Avant-hier, j'ai rencontré, totalement par hasard, une ancienne copine de lycée. Le plus amusant est qu'elle ne se souvenait pas de mon nom, mais, le temps que je me rappelle le sien, elle m'avait abordée en me demandant : "Alors ? Tu es devenue écrivain ?"
Ma première réaction a été : "Oh my God ! comment sait-elle ça ?" C'est le genre de chose que je n'ai jamais clamé sur tous les toits et, même si on s'entendait assez bien en première et terminale, on n'était pas assez proches pour que je lui aie raconté tout ça. Mais le fait est qu'elle le savait et que ça l'a tellement marquée que c'est la première chose qui lui est venue à l'esprit, presque dix ans après.
Alors, suis-je devenue un écrivain ?
En dix ans, j'ai travaillé comme une folle pour passer des concours, en mettant plus ou moins le couvercle sur tout le reste : la prépa m'a presque dégoûtée de lire et, ensuite, avoir la tête 24h/24 dans l'Antiquité m'a amenée à continuer de lire sur l'Antiquité hors de mes sujets de masters et autres. Entre temps, il a fallu aussi que je règle les problèmes que le travail intensif de la prépa n'avait fait que mettre entre parenthèses.
Je n'ai quand même jamais cessé d'écrire. Ça fait même un moment que j'ai un roman en cours. Roman qui n'avance pas très vite, étant donné le peu de temps que j'y consacre. Mais roman quand même. Tout est "dans ma citrouille" (pour citer, avec la plus grande modestie du monde, le Mozart de Milos Forman), il ne reste plus qu'à rédiger. C'est bien là le problème. Mais c'est le cas pour tout, y compris pour un travail universitaire.
Puis-je me revendiquer écrivain ? C'est compliqué. Pour moi, être écrivain signifie écrire de la bonne littérature, parvenir à une oeuvre d'art grâce à l'écriture, faire partie de la même catégorie que Flaubert, Hugo, Homère. Pour cela, il faudrait être sûre que ce que j'écris a de la valeur, ce dont je n'ai pas grande idée, puisque je ne le montre qu'à mon copain (éventuellement) et que je n'ai jamais rien envoyé à un éditeur. Je pense que ce n'est pas totalement nul, mais je ne sais pas si c'est suffisamment bon pour être édité.
Ceci dit, si être écrivain signifie aussi, comme je le pense, essayer de saisir l'essence de la vie grâce à des mots, voir le monde de ce point de vue, à la recherche d'histoires et d'attitudes existentielles, et essayer de les retranscrire en leur donnant du sens ou en cherchant à révéler le leur, alors je pense pouvoir dire que j'en suis un.
Le problème est que je ne me pousse pas assez pour écrire plus ou plus fréquemment. A vrai dire, je ne suis pas sûre que ce soit une si mauvaise chose, au sens où, si l'écriture fonctionnait comme une sorte d'emplâtre sur une jambe de bois, avoir un besoin moins vital d'écrire signifie que je vais mieux. Good news. Mais être un écrivain "under cover", sans jamais chercher à finir vraiment quelque chose et à se faire publier, à la longue, ce n'est pas être un écrivain. Tout juste prétendre en être un. Et encore.
La question est donc : soit je considère que c'était juste un truc d'adolescente - ce que je ne pense pas - et je laisse tomber, soit je reconnais qu'il est difficile de mener ça sérieusement de front avec le métier dans lequel je suis en train de m'engager - ce que je pense - et je décide une bonne fois pour toutes de me consacrer à la recherche en littérature latine (donc même résultat que la première option), soit je décide de me mettre un coup de pied au cul et de consacrer du temps à ça aussi. D'où nouveau problème : je n'ai déjà presque pas de temps pour travailler ma thèse, comment en trouver pour écrire hors du boulot qui me permet de payer mes factures ?
On est loin de l'image romantique de la Vocation et du Besoin d'Ecrire Plus Fort Que Tout. Comme a dit Sartre dans L'Existentialisme est un humanisme, c'est à nous de décider si telle chose sera le commencement d'une entreprise qui influera décisivement sur notre vie ou si elle demeurera au stade de l'épisode circonscrit.
Je pense donc en être là, finalement. En fait, pas tant que cela, au sens où je n'ai jamais envisagé une seule seconde de renoncer à l'écriture. A vrai dire, aussi étonnamment que cela puisse sembler, c'est même plutôt à la littérature latine que j'ai pensé à renoncer, avant de me rendre compte que cela m'était tout aussi impossible.
Il est donc temps de trouver un autre sens à l'écriture, en dehors de celui de soupape de sécurité dans les moments où ça va vraiment mal. Là encore, c'est plutôt bon signe, car je ne pense pas que s'y jeter pour oublier le reste soit nécessairement le gage d'un résultat de qualité. Ça fait presque un an que je n'ai pas écrit sur ce blog, pourtant le premier que j'ai ouvert : essayer de continuer à réfléchir ici me permettra sans doute d'avancer, quelle que soit la direction que je prendrai.
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