La pénombre est fumée, car l'unique lumière de la lampe de chevet est chaude en raison de son abat-jour rouge. Avec la fin de la journée, le reste de la chambre s'est abîmé dans l'ombre et dans le cercle éclairé que son visage accueille, l'homme est beau. Son front est serein, sa bouche légèrement entr'ouverte, quelques cheveux retombent sur ses yeux aux paupières baissées. Sa poitrine se soulève calmement, régulièrement, et retombe dans un soupir.
Insensiblement, ses mains s'abandonnent ; la gauche, détendue, repose sur son ventre, la droite s'est posée, en effleurant son flanc, sur le tissu violet de la couverture. Il bouge un peu et ses jambes musclées, poilues, s'allongent jusqu'au bout du lit. Sa tête penche sur le côté et son menton va se nicher au creux de son épaule.
Dans son pyjama court, le sommeil vulnérable laisse encore transparaître l'enfant qu'il devait être, il y a des années. Il est confiant, ouvert, et de lui émane cette vie que la journée a fatiguée. Mais c'est un homme qui est étendu là, un homme dont la respiration régulière exprime la force, ses membres l'énergie, son front le courage.
Etre avec lui tous les soirs, tous les soirs de chaque jour, de chaque mois, de chaque année. Etre avec lui ici, maintenant, là-bas, alors, si morte, comme ombre, si vivante, comme âme, comme bouche, comme bras. Car il y aura d'autres soirs, d'autres lits, d'autres fatigues et d'autres pénombres. Les murs et le sol changeront, la terre aura tourné et les fenêtres donneront sur un dehors différent. Mais qu'importe le lieu, qu'importent le moment, les circonstances, ce qu'il fait, ce qu'il est.
Etre là, à le regarder dormir, à le contempler sans bruit, pour se souvenir à jamais de cet instant, en retardant le moment de le rejoindre et de le réveiller, un peu, à peine, le temps de le couvrir et de m'endormir à mon tour, dans ses bras.
A Franco.
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