Et voici la nouvelle promise mi-juillet. Je pensais la mettre très vite en ligne, puis je l'ai trouvée trop statique et finalement non.
Ce sont de belles maisons. Les murs se dressent, fiers, droits, en calcaire crème. Ils se ressemblent tous, plus ou moins : quatre ou cinq étages, moulures, balcons, rambardes en fer forgé. Ce ne sont que des pierres, comme celles de tous les autres immeubles haussmanniens, mais ces pierres-là ont quelque chose de différent, de particulier : les autres soutiennent, se tiennent et servent d'encadrement aux deux côtés de la rue ; celles-là pèsent, posent, appuient de tout leur poids sur la terre qui leur sert de sous-bassement et cherchent à montrer leur possession. Elles en imposent au passant, pris entre une certaine admiration devant leur élégance et l'impression d'écrasement que produit leur hauteur.
Leur surface blanc-jaune fascine : elle est lisse, sans défaut et, dans la lumière crue du midi, elle renvoie une clarté presque aveuglante qui fait mal aux yeux. Par contraste, l'ombre dispensée par les arbres de l'avenue paraît plus bleue, plus verte, plus sombre. Lorsqu'on s'est avancé en plein soleil pour examiner de plus près ces façades clarissimes, le pas en arrière qui permet de retrouver la protection des feuillages fait l'effet d'une chute dans l'obscurité : pendant un instant, les yeux ne voient plus rien, la forteresse danse en taches brillantes, puis disparaît et ne reste plus que la contre-allée, comme elle est. Au bout de l'avenue Henri-Martin, on aperçoit, à travers une trouée dans les feuillages, d'autres maisons, perdues dans la verdure. On ne se croirait presque pas à Paris
Il n'y a pas de bancs. C'est étonnant, un quartier aussi vert, aussi tranquille, avec des trottoirs aussi vastes, sans bancs. Le passant n'a pas le choix : il a le droit de passer, mais pas la permission de stationner ; le stationnement est réservé aux voitures. C'est étonnant, un quartier comme celui-là, aussi dépourvu de bancs, mais ouvert aux voitures. Ce sont elles qui peuvent profiter de la fraîcheur des arbres ; les étrangers, non. Les parkings sont privés, il n'y a pas de bancs le long des allées ombragées.
Il n'y a pas non plus grand monde, dans la rue. On est en juillet et tout est calme. Les gens sont partis. Les quelques personnes qui circulent encore sont souvent âgées. Dans leurs déambulations, elles ne vous regardent pas lorsque vous les croisez. La chaleur de cette journée d'été et l'absence de mouvement font que le lieu paraît plus qu'endormi : il est figé. Dans sa grandeur. Dans sa richesse. Dans son appréhension, aussi.
Les fenêtres sont vides. Les rideaux ont été tirés pour protéger les pièces de la chaleur et les meubles du soleil. Les reflets éclatants sur la vitre empêchent de bien en distinguer la couleur. Ils attirent pourtant l'attention sur l'ouverture fermée. La rambarde est chauffée à blanc ; à travers les bruits étouffés de la ville, on l'entend presque grésiller. Mais c'est la moulure qui la souligne qui arrête l'oeil : ses volutes ne cessent de s'enrouler sur elles-mêmes, elles en font trop, elles sont dans l'apparence et tentent désespérément de faire oublier qu'elles ne sont que pierre. Elles se torturent, se contorsionnent et parviennent à mettre en avant leur beauté recherchée ; mais elles sont du même matériau, de la même couleur que les blocs qui leur permettent de s'élever au-dessus des frondaisons.
Parfois, la vigne vierge gagne sur le premier ou le deuxième balcon. Parfois c'est la glycine. Habituellement bien tenue, en ces temps estivaux, elle a loisir de déborder, par endroit, quelque peu sur la marquise. Elle commence même un tantinet à se flétrir, à s'oublier et laisse tomber deux ou trois feuilles. La clôture de fer forgé du petit jardin qui, en bas, les reçoit, a été doublée d'une autre, en simple grillage. Un infranchissable bataillon de bambous a remplacé l'épaisseur traditionnelle des thuyas. Ce qui se passe derrière est invisible.
Sur le côté, au bout d'une étroite allée encombrée de feuilles, une petite porte, cachée un peu en contre-bas et accompagnée d'un écriteau : "porte de service".
Les beaux quartiers
Ce sont de belles maisons. Les murs se dressent, fiers, droits, en calcaire crème. Ils se ressemblent tous, plus ou moins : quatre ou cinq étages, moulures, balcons, rambardes en fer forgé. Ce ne sont que des pierres, comme celles de tous les autres immeubles haussmanniens, mais ces pierres-là ont quelque chose de différent, de particulier : les autres soutiennent, se tiennent et servent d'encadrement aux deux côtés de la rue ; celles-là pèsent, posent, appuient de tout leur poids sur la terre qui leur sert de sous-bassement et cherchent à montrer leur possession. Elles en imposent au passant, pris entre une certaine admiration devant leur élégance et l'impression d'écrasement que produit leur hauteur.
Leur surface blanc-jaune fascine : elle est lisse, sans défaut et, dans la lumière crue du midi, elle renvoie une clarté presque aveuglante qui fait mal aux yeux. Par contraste, l'ombre dispensée par les arbres de l'avenue paraît plus bleue, plus verte, plus sombre. Lorsqu'on s'est avancé en plein soleil pour examiner de plus près ces façades clarissimes, le pas en arrière qui permet de retrouver la protection des feuillages fait l'effet d'une chute dans l'obscurité : pendant un instant, les yeux ne voient plus rien, la forteresse danse en taches brillantes, puis disparaît et ne reste plus que la contre-allée, comme elle est. Au bout de l'avenue Henri-Martin, on aperçoit, à travers une trouée dans les feuillages, d'autres maisons, perdues dans la verdure. On ne se croirait presque pas à Paris
Il n'y a pas de bancs. C'est étonnant, un quartier aussi vert, aussi tranquille, avec des trottoirs aussi vastes, sans bancs. Le passant n'a pas le choix : il a le droit de passer, mais pas la permission de stationner ; le stationnement est réservé aux voitures. C'est étonnant, un quartier comme celui-là, aussi dépourvu de bancs, mais ouvert aux voitures. Ce sont elles qui peuvent profiter de la fraîcheur des arbres ; les étrangers, non. Les parkings sont privés, il n'y a pas de bancs le long des allées ombragées.
Il n'y a pas non plus grand monde, dans la rue. On est en juillet et tout est calme. Les gens sont partis. Les quelques personnes qui circulent encore sont souvent âgées. Dans leurs déambulations, elles ne vous regardent pas lorsque vous les croisez. La chaleur de cette journée d'été et l'absence de mouvement font que le lieu paraît plus qu'endormi : il est figé. Dans sa grandeur. Dans sa richesse. Dans son appréhension, aussi.
Les fenêtres sont vides. Les rideaux ont été tirés pour protéger les pièces de la chaleur et les meubles du soleil. Les reflets éclatants sur la vitre empêchent de bien en distinguer la couleur. Ils attirent pourtant l'attention sur l'ouverture fermée. La rambarde est chauffée à blanc ; à travers les bruits étouffés de la ville, on l'entend presque grésiller. Mais c'est la moulure qui la souligne qui arrête l'oeil : ses volutes ne cessent de s'enrouler sur elles-mêmes, elles en font trop, elles sont dans l'apparence et tentent désespérément de faire oublier qu'elles ne sont que pierre. Elles se torturent, se contorsionnent et parviennent à mettre en avant leur beauté recherchée ; mais elles sont du même matériau, de la même couleur que les blocs qui leur permettent de s'élever au-dessus des frondaisons.
Parfois, la vigne vierge gagne sur le premier ou le deuxième balcon. Parfois c'est la glycine. Habituellement bien tenue, en ces temps estivaux, elle a loisir de déborder, par endroit, quelque peu sur la marquise. Elle commence même un tantinet à se flétrir, à s'oublier et laisse tomber deux ou trois feuilles. La clôture de fer forgé du petit jardin qui, en bas, les reçoit, a été doublée d'une autre, en simple grillage. Un infranchissable bataillon de bambous a remplacé l'épaisseur traditionnelle des thuyas. Ce qui se passe derrière est invisible.
Sur le côté, au bout d'une étroite allée encombrée de feuilles, une petite porte, cachée un peu en contre-bas et accompagnée d'un écriteau : "porte de service".
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